Tunisia (الجمهورية التونسية République tunisienne)

Core analysis conducted and presented by Nidhal Attia and Wafa Hmadi of Tunisia in November, 2021. Executive Summary in English, article en français. Full translation coming soon.

Executive Summary

Tunisia has published its updated NDC in October 2021 after organising an official seminar to present it, in September. In terms of emissions reduction, the updated version targets a 45% reduction in carbon intensity by 2030 compared to the base year of 2010. This is an increase compared to the levels of the first NDC, where the target was only 41%. The NDC is based on what is called the Resilience Star, "designed as a structuring framework to support Tunisian actors and their technical and financial partners, both public and private". To be fully implemented, the updated Tunisian NDC would need the mobilisation of 19.3 billion US$ for the period 2021-2030, of which only 4.3 billion US$ will go for adaptation.

The new updated NDC of Tunisia has added three new axes, which are gender, territories planning, and disaster risk reduction. Rather than analysing the strengths of the NDC, this paper looks at the weaknesses and incoherencies in the updated version of the NDC, the October 2021 version, published on the UNFCCC website. A particular focus is made on the participation of young people and their role in the development of climate policies and their implementation, in an advanced stage. This analysis focuses on aspects related to the adaptation strategy for several reasons, including the fact that this strategy was already considered weak in the 2015 version of the NDC.

Among the recommendations to be addressed to the Ministry of the Environment regarding the updated NDC:

- Increase or even balance the budget for adaptation with that for mitigation. 

- Establish measurable indicators for adaptation. 

- Link adaptation to the work being done on risk and disaster reduction.

- Establish an inclusive and transparent implementation and monitoring plan for the NDC. 

- Include displacement and migration as part of the adaptation agenda. 

- Strengthen the focus on forest ecosystems and their conservation.

- Youth and vulnerable communities should be at the center of climate strategies elaboration and debates. It’s also crucial to involve them in the discussions on solutions

With the climate crisis knocking on our doors, Tunisian civil society is calling on the authorities to step up adaptation actions, whether for "hard" projects carried out by the state, or soft adaptation that could improve citizens' readiness for the inevitable impacts of climate change on the Tunisian territory.

Quick Links

Contexte

Après avoir transformé sa INDC en NDC en 2015, la Tunisie devait de nouveau l’actualiser en augmentant ses ambitions. Cela a été fait à travers la NDC actualisée, présentée au grand public le 23 et 24 septembre 2021.

Si bien que cette nouvelle version rejoint l’effort international en matière de lutte contre les effets du changement climatique, il est judicieux d’analyser et d’évaluer le nouveau rapport, en le comparant avec la version initiale de 2015 et avec l’évolution de la crise climatique en Tunisie. 

Ce texte se penchera en premier lieu sur le format de la NDC actualisée et le processus de son élaboration, ainsi que l’approche adoptée. Dans une deuxième phase, je vais traiter le manque de cohérence identifié dans certaines sections et les lacunes du rapport.

Finalement, je présenterai une conclusion sur les solutions possibles pour une réelle mise en application de la NDC et son appropriation par les secteurs concernés. 

1. Approche obsolète dans l’élaboration de la NDC actualisée

L’élaboration de la NDC dans sa version actualisée a coïncidé avec le contexte de la pandémie qui a éclipsé les priorités d’ordre environnemental et climatique et les a relégué à une priorité plutôt secondaire. S’ajoutant à cela le contexte politique mouvementé et instable, en défaveur de la société civile tunisienne qui plaide incessamment et depuis plusieurs années pour une véritable action climatique, digne de la crise que nous sommes en train de vivre et qui risque de s’accentuer dans le court terme. 

C’est dans ces circonstances inédites que la NDC a été préparée, dans les bureaux du ministère de l’environnement et de l’administration en général. Très peu de réunions de concertation ouvertes  ont été programmées au moment de sa rédaction.  D’autres échanges ont certes été menés avec les quelques secteurs représentés dans l’étude. Cependant, le grand public, les experts et les organisations de la société civile n’ont pu se rendre compte de l’existence de la NDC actualisée qu’à la fin du processus. C’est-à-dire au moment de la présentation de la ‘’version pré-finale’’ les 23 et 24 septembre 2021 dans un hôtel à Gammarth. 

2. Echec de l’exercice de la démocratie participative 

C’est triste de constater qu’après tant de progrès enregistré dans l’instauration de la démocratie participative en Tunisie, nous faillons à l’appliquer dans l’exercice fort important de la NDC. En effet, nous connaissons depuis la révolution, une adoption des principes de la démocratie participative à travers l’inclusion et l’engagement des citoyens dans la vie publique et politique ainsi que la mise en place de certains cadres juridiques qui ont renforcé ce principe, comme par exemple la loi électorale.

De même, la nouvelle constitution de 2014 a renforcé ce cadre de démocratie participative à travers la gouvernance locale, qui a instauré à son tour le processus de décentralisation dans tout un chapitre dans le Code des Collectivités Locales adopté en mai 2018. Nous pouvons ainsi déduire de l’absence de concertation et d’implication des acteurs de la société civile élargie que le processus de préparation de la NDC actualisée manquait gravement de transparence et ne permettait pas l’accès à l’information.   Il s’agit sans nul doute d’un échec de la démocratie participative dans cet exercice.

L’approche exclusive témoigne de l’absence d’un nouveau paradigme qui façonne la réflexion et la conduite de l’exercice de mise à jour de la NDC. L’absence du moindre effort pour donner aux experts, aux jeunes ou encore aux activistes de la société civile la possibilité de partager leurs opinions nous fait croire que c’était prémédité et que ce n’est pas en raison de la pandémie.

3. Rôle des villes

Si la mise en œuvre des engagements nationaux de l'Accord de Paris pourrait relever de la responsabilité du gouvernement national, dans la pratique, elle est la plupart du temps conduite par le niveau local où les villes sont confrontées à un double défi : tenir le choc des impacts dus au changement climatique grâce aux actions de résilience et relever le défi de se transformer en des milieux peu émetteurs et neutres en carbone.

A titre d’exemple, les déclinaisons locales des politiques d’atténuation des gaz à effet de serre proposées dans la NDC actualisée n’émanent pas d’une vision cohérente qui inclue les politiques de transport, d’aménagement, d’énergie et d’adaptation. Il s’agit plutôt de quelques idées générales avec des objectifs très vagues que nous ne retrouvons pas dans le chapitre sur l’aménagement urbain et ça n’apparait pas non plus dans les mesures prioritaires liées à l’aménagement. 

Cela aurait été intéressant que la NDC actualisée propose un modèle de mise en application des politiques d’adaptation à l’échelle locale, surtout que tout une section a été dédiée à l’aménagement du territoire et à et la réduction des risques de catastrophes naturelles.

A titre d’exemple un ‘’adaptation policy cycle’’ aurait pu ressembler à cela :

  • Evaluer les risques et de la vulnérabilité dans chaque ville

  • Identifier les actions prioritaires 

  • Préparer le terrain pour l’adaptation 

  • Evaluation des options d’adaptation

  • Mettre en œuvre les actions ciblées

  • Suivre et évaluer l’avancement de la mise en œuvre dans un cadre transparent 

4. Marginalisation des jeunes

Les jeunes manifestent depuis 2019 et ne cessent d’exprimer leur inquiétude et leur anxiété à l’égard de la crise climatique et de leur avenir qui sera fortement impacté par les conséquences dévastatrices du changement climatique. En Tunisie, plusieurs groupes de jeunes se mobilisent sur les réseaux sociaux, mais également sur le terrain pour demander le durcissement de l’action climatique et pour dénoncer les politiques climatiques nationales faibles et pas à la hauteur du défi.

La NDC actualisée a omis d’incorporer à la fois les jeunes et les enfants, négligeant par conséquent le prisme de la jeunesse dans la conception du rapport. En effet, la référence aux jeunes est faite uniquement dans la section des mesures prioritaires, et plus précisément la priorité ‘’1.3 sur la résilience sociale’’. L’utilisation du termes ‘’jeunes’’ est d’ailleurs associé la plupart des fois dans le texte aux femmes. Nous en déduisons que c’est plutôt une cible qu’un acteur ou une force de proposition et d’implémentation. 

Ainsi, nous pouvons dire que la NDC actualisée de la Tunisie souffre d'un manque d'implication des jeunes. Elle n’aborde pas la jeunesse comme une potentielle partie prenante. 

Les jeunes doivent être à l'avant-plan des réunions d’élaboration des stratégies et aussi dans les discussions sur les solutions, car ils sont les principaux acteurs du développement durable et leurs perspectives comptent dans la conception des plans. Les autorités publiques doivent former et valoriser les capacités des jeunes.  Les groupes d'action pour le climat, dirigés par des jeunes, tels que Youth For Climate Tunisia (YFC), doivent être impliqués dans la formation du NDC ainsi que dans le développement et la révision continus de la politique climatique.

Finalement et d’une manière plus générale, les politiques climatiques doivent se faire avec les jeunes et aussi pour les jeunes. Désormais, il est fondamental que les jeunes prennent part aux mesures prises par les décideurs, sachant que ces dernières dessinent leur avenir. Il faut que leur voix soit écoutée à toutes les phases de préparation des stratégies et plans. Leur implication dans les phases post-élaboration des stratégies n’est que pour les faire taire et n’émane pas d’une véritable volonté de concrétiser leurs demandes et leurs perspectives.

En mai 2020, l'UNICEF a publié l'étude intitulée Are Climate Change Policies Child Sensitive ? qui expose plusieurs principes clés autour desquels les politiques climatiques sensibles aux enfants devraient être structurées. Parmi les conditions, le rapport cite le caractère : 

Ambitieux et urgent : Des mesures d'atténuation et d'adaptation ambitieuses qui protègent les droits et les intérêts supérieurs de l'enfant contre les dommages causés par le changement climatique.  

Basé sur les droits : Des références explicites et significatives aux enfants et aux jeunes, en les considérant comme des détenteurs de droits et des parties prenantes importantes.  

Afin de sortir de la vision anthropocentrée du monde, le rapport aurait dû attribuer une importance aux droits des animaux et du vivant en général. 

Holistique et multisectoriel : Prise en compte des risques et des vulnérabilités spécifiques des enfants par des interventions sectorielles spécifiques. 

Inclusif : il s'agit de consulter systématiquement tous les enfants, y compris les enfants d'âge, de sexe et de milieu social différents, à chaque étape du processus d'élaboration des politiques climatiques et à tous les niveaux, et de veiller à leur participation effective.

Ce qui est à retenir du rôle des enfants c’est qu’il est fondamental, notamment lorsque nous voudrions promouvoir et miser sur les générations futures et leurs droits à un environnement et un climat sains. C’est un fait, les enfants et les jeunes supporteront une part disproportionnée du fardeau du changement climatique, qui affectera leur bien-être par de nombreuses voies directes, indirectes et sociétales. D’où la nécessité de prendre en considération les perspectives de cette ‘’génération climat’’, sachant que la question écologique est déjà centrale dans leur vie. Leur participation active dans la conception et la mise en application des politiques climatiques nationales et locales, n’est plus une faveur. 

5. Quels enseignements tirés de la Pandémie

Parmi les conclusions que nous pouvons tirer des premières vagues de la Pandémie du Covid-19 à la fois sur le plan national et international, ce sont les interdépendances des différents écosystèmes du pays, à savoir la santé, l’éducation, l’économie, le social et tout ce qui relève de l’environnement et du climat.  La NDC aurait dû être un outil pour renforcer la place du climat dans les autres secteurs clés de l’économie de la Tunisie qui appellerait à construire différemment nos politiques publiques et à prendre au sérieux la crise climatique qui risquerait de chambouler tout programme ou orientation stratégique de développement, ne tenant pas compte du facteur climatique et des effets du réchauffement climatique qui sont inéluctables. D'importantes leçons à tirer de la crise liée à la pandémie de Covid-19 existent et doivent être appliquées à la problématique du climat, y compris sur l'interdépendance des systèmes sociaux, environnementaux et économiques qui doivent être abordés selon une approche holistique et socio-écologique. Le lien avec la NDC actualisée c’est que nous avons raté une occasion pour adresser ces sujets et pour impulser un intérêt réel à la problématique du climat en Tunisie et à son intégration dans les politiques nationales et sectorielles. 

6. Transgression de l’esprit de l’Accord de Paris 

C’est un fait, l’approche adoptée dans l’élaboration de la NDC actualisée de la Tunisie était purement ‘’top-down’’, c’est-à-dire une gestion descendante qui reflète une conception traditionnelle du pouvoir, émanant du haut du pouvoir sans forcément implication des acteurs clés et des différentes perspectives dans l’actualisation de la NDC. Ainsi, nous pouvons constater que ce document stratégique reflète essentiellement la vision de l’état centralisée. Ce qui est à reprocher dans cette approche c’est qu’elle relève des pratiques dépassées, étant donné sa rigidité et sa faible capacité à incorporer les spécificités, les complexités et les réalités du terrain. Dans le même contexte, une telle approche compliquera davantage l’appropriation de la politique par les acteurs qui auront pour tâche, dans une phase avancée, de travailler sur sa mise en concrétisation.  

En dépit du fait que l’approche ‘’top-down’’ soit dépassée et limitative, l’autre défaut c’est qu’elle va à l’encontre de l’architecture de l’Accord de Paris sur le Climat où l’objectif mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre est calculé sur la base des objectifs nationaux cumulés. Cette architecture sophistiquée marque la nouvelle phase du cadre multilatéral de lutte contre les effets du changement climatique et devrait inspirer les parties signataires dans l’élaboration de leurs rapports et documents qui relèvent du cadre d’opérationnalisation de l’Accord de Paris.

Ce que nous pouvons qualifier de « l’esprit de Paris » était absent dans la méthodologie d’élaboration de notre NDC actualisée.

7. Au sujet de l’Adaptation 

Les rapports officiels de la Tunisie admettent unanimement que notre territoire est considéré comme vulnérable. Toutefois, l’action de l’adaptation traine depuis des années et reste marginalisée dans l’adaptation si nous la comparons avec l’importance accordée à l’atténuation. Ce ne sont pas seulement les projets et les programmes des acteurs publics qui tardent à se développer, puisque l’effort de la société civile et le rôle du secteur privé qui n’est toujours pas prêt à faire face aux conséquences inéluctables du réchauffement climatique, aggrave la situation. La complexité de l‘adaptation explique partiellement la situation, mais la prise en compte rudimentaire du caractère très local des impacts et des solutions nous fait penser que la NDC actualisée ne parvient pas à adopter la vision holistique et que c’est plutôt du business as usual. Ce n’est plus un choix d’impliquer les acteurs locaux, en l’occurrence les communes, dans l’action de l’adaptation puisque c’est eux qui subissent les impactent et c’est eux qui peuvent former une force de lutte et de déploiement des solutions respectueuses de l’intégrité environnementale, selon une approche participative et inclusive.

Ce qui déçoit dans la NDC actualisée, c’est qu’elle ne met suffisamment pas l’accent sur le caractère urgent de la crise climatique au moment où les impacts du changement climatique sont plus que jamais visibles en Tunisie et partout dans le monde. Ainsi, l’adaptation apparait comme étant une stratégie cruciale qui peut sauver des vies et protéger les territoires. Le retard que prend l’action climatique en générale, en Tunisie fait que nous soyons dans l’obligation d’accélérer nos efforts sur le plan gouvernemental, politique, académique et institutionnel pour nous adapter. 

Stratégie Nationale de Résilience 2050 et NDC actualisée : Pour les pays ayant de stratégies de décarbonisation à long terme, le processus de révision est l'occasion d'aligner les objectifs de la NDC et les plans de mise en œuvre avec les visions à long terme. Toutefois, ce recoupement n’est pas fait dans la NDC qui se contente de spécifier que cette dernière se classe au-dessous de la stratégie de résilience, comme apparait dans l’extrait en bas. 

‘’Les objectifs à 2030 de la NDC révisée s’inscrivent dans la vision stratégique développée dans la Stratégie Nationale de Développement Résilient au Changement Climatique (SNRCC) qui propose une vision stratégique de la résilience du pays déclinée en axes d’intervention et mesures visant à limiter les impacts du changement climatique d’ici à 2050’’.

Ce qui est frappant, c’est que la stratégie de résilience à l’horizon de 2050 est encore en cours d’élaboration et il serait par conséquent difficile d’imaginer comme une stratégie qui n’a pas finalisée dessiner les directives et les axes d’orientation de la NDC révisée. 

8. L’étoile de résilience et le changement de paradigme

Nous pouvons lire dans certains passages de la NDC actualisée, des références faites au changement de paradigme. Toutefois, en creusant dans le rapport, nous constatons rapidement que l’expression ‘’changement de paradigme’’, mentionnée seulement à 4 reprises dans le document, n’est pas appuyée par de nouveaux mécanismes. Ainsi, nous pouvons comprendre que le principe de ‘’changement de paradigme’’ est une notion orpheline. 

9. Le manque d’objectifs chiffrées et d’indicateurs

La détermination d’indicateurs raisonnables et mesurables pour les projets liés à l’adaptation demeure un exercice compliqué pour la Tunisie et même à l’échelle internationale. D’ailleurs la décision de la COP26 formulée dans le cadre du Glasgow Climate Pact insiste sur la nécessité d’équilibrer les efforts investis dans l’atténuation et dans l’adaptation. De plus, la conférence a créé un "programme de travail de Glasgow-Sharm el-Sheikh sur l'objectif mondial en matière d'adaptation", d'une durée de deux ans, qui reconnaît la nécessité de "travaux supplémentaires" pour aider les pays à mesurer et à suivre l'adaptation. Cela témoigne donc de l’importance de se pencher sérieusement sur ce sujet et d’anticiper ce travail, au niveau de la Tunisie. Le manque d’indicateurs dans la NDC actualisée ne dénote pas seulement de la complexité de la tâche, mais aussi du manque de volonté. Ce constat s’explique par me fait que des indicateurs chiffrés auraient pu être identifiés dans le rapport à travers le cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe2015 - 2030, qui est évoqué dans le texte et qui est déjà doté de cibles et d’indicateurs établis au niveau national dans le but de contribuer à l’obtention du résultat et à la réalisation des objectifs de réduction des risques, dont certains se rapportent directement au climat. 

9. Incendies des forêts

Visiblement, ni les incendies inédits, ni le record de température enregistrés durant l’été de 2021 ne semblent inquiéter les responsables politiques et les experts qui ont travaillé sur la révision de la NDC. Dans le même sens, la question se pose même sur ce qui a changé après les incendies ravageurs et sans précédents de 2017 où environ 414 feux de forêt ont causé la perte d’une superficie totale de 17286 hectares pour 414 incendies. 

Ne devons-nous pas appliquer des mesures exceptionnelles pour une meilleure adaptation et pour une politique rigoureuse, notamment envers les incendies criminels ? Les atteintes répétées envers les forêts et les parcs tunisiens depuis 2015 ne manquent pas. L’exemple des 1000 pieds d’arbres Ain Sallem à Beni Mtir (gouvernorat de Jendouba) reflète le laxisme de l’Etat, notamment l’administration forestière, et le manque de sérieux dans la protection de la couverture végétale et de nos forêts. Ce qui est plus étonnant c’est que ce crime écologique a eu lieu au moment où la population tunisienne était totalement confinée, en avril 2020.  

Il est possible de faire le bilan des incendies des dernières années ou de la période entre 2015 et 2021 pour mettre l’accent sur la fréquence, la période et l’intensité des incendies. 

Un autre point qu’il conviendrait d’analyser est celui relatif à la période officielle des incendies des forêts, telle que reconnue dans le Code forestier et qui est comprise entre la 1er juin et le 31 octobre de chaque année. 

Le volet juridique suscite des questions puisqu’il devient urgent de changer le Code forestier, désormais considéré comme caduc.

Malheureusement, la NDC a marginalisé tous ces éléments et nous ne trouvons que peu de références aux incendies et aux feux des forêts. D’ailleurs pour les incendies, ça se résume en la priorité 6 de la première priorité sur la résilience écologique qui dit ‘’Mesure 6 : Améliorer les systèmes d‘alertes et de protection des forêts contre les risques climatiques (incendies, maladies nouvelles, …)’’.

10. Gouvernance et transparence 

Au niveau des enjeux transversaux à l’atténuation et à l’adaptation, l’amélioration de la gouvernance apparait comme une solution clé pour renforcer le cadre institutionnel et pour renforcer la bonne gouvernance climatique. La mesure plaidée dans la NDC actualisée tourne autour de l’Unité de Gestion par Objectif (UGPO), créée par le Décret n°2018-263 du 12 mars 2018, composé de deux comités techniques consultatifs, respectivement dans les domaines de l’adaptation et de l’atténuation, mis en place par le Décret n°2018-263 du 12 mars 2018, et installés par une Décision n°69-2020 du 07 Février 2020.

Si bien que l’UGPO semble être une solution pour améliorer la mauvaise gouvernance actuelle dont souffre l’administration tunisienne, cette ‘’unité’’ peine à améliorer le rythme de travail sur le dossier du climat. En effet, seulement deux réunions ont été tenues par le comité adaptation depuis sa composition, et ce, malgré les épisodes climatiques inédits vécus en 2020 et en 2021. Des questions se posent sur leur mandat et leur calendrier de réunions.

Il est important de rappeler qu’à l’annonce de la création de l’UGPO en 2017, l’ancien ministre de l’environnement, Riadh Mouakher, avait annoncé que l’objectif de la mise en place de cette unité est d’accélérer et de concrétiser la contribution déterminée au niveau national. Contrairement à cela, nous n’avons pu constater aucun rôle spécifique de cette unité dans l’élaboration de la NDC actualisée, ni dans différentes actions prioritaires. 

Le sujet de la gouvernance nous mène à celui de la transparence puisque très peu d’informations sont disponibles sur le fonctionnement et la mobilisation de ladite UGPO. Il serait plus crédible de commencer par communiquer sur les actions entreprises par cet organisme.

Nous pouvons lire dans la section réservée au cadre de la transparence que « la Tunisie a lancé des travaux importants pour avoir un système national complet de transparence conformément au Livre des Règles de l’Accord de Paris…. Ce système national de transparence sera opérationnel dans le courant de l’année 2022, soit deux avant la date limite prescrite par le Livre des Règles de l’Accord de Paris ». Malheureusement cette section fort importante est succincte avec peu d’informations communiquées sur le sujet. 

La gouvernance à plusieurs niveaux devrait favoriser le dialogue intégratif. Cela aide notamment l’accès à l’information et la transparence. En effet, la NDC actualisée aurait dû appeler à ce que l'information soit produite à tous les niveaux afin de garantir qu’elle sera correctement gérée et empêcher donc qu’elle se perde.

11. Enjeux transversaux 

C’est intéressant que la NDC actualisée de la Tunisie traite les synergies et les co-bénéfices entre l’adaptation et l’atténuation. La section dédiée à ce volet se limite qu’à quatre aspects précis, qui sont : la gouvernance, la transparence, le renforcement des capacités et le transfert des technologies, et finalement, la dimension genre. 

Dans un premier lieu, nous remarquons qu’il n’y a pas de mesures spécifiques en relation avec les deux stratégies de lutte, ni dans cette section ni dans le chapitre consacré aux mesures prioritaires. Dans un second lieu, les auteurs du rapport n’ont pas traité le processus de la décentralisation qui est supposé traduire les besoins en projets concrets et qui fait face à la nécessite de s’adapter aux défis climatiques à venir. 

Dans le même sens, l’analyse des synergies entre adaptation et atténuation n’a pas traité la nécessité de diversification économique qui présenterait des avantages aux deux stratégies.

12. Conclusion

La NDC actualisée de la Tunisie réaffirme l’engagement de la Tunisie à l’international et sa volonté de s’affichée comme un bon élève qui fait bien ses devoirs. La profusion de stratégies et de rapports depuis quelques années, confrontée à leur non-application et parfois même l’absence de cadre d’application et de suivi nous font craindre que la NDC de 2021 subisse le même sort et qu’elle soit tout simplement un autre document qui s’additionne aux autres rapports officiels. Afin d’éviter cela et pour garantir que la NDC actualisée soit mise en œuvre, cette dernière doit être équipée d’un plan d’action annuel et doit assurer une transparence dans la mise en application des objectifs en matière d’adaptation et d’atténuation. Finalement, et comme il a été précisé plus haut, toute action doit impérativement se faire dans une approche participative et inclusive.

13.  References

NDC Ambassador Wafa Hmadi holds a Bachelor's degree in Environmental Protection Sciences and a Master’s of Environmental Engineering from the Higher Institute of Applied Biological Sciences of Tunis. Wafa is the coordinator of the young Tunisians Climate Negotiators group and initiating a local climate action program that aims to implement 8 climate plans in 8 Tunisian cities. Previously, she served as an SDG Ambassador for the Arab Youth Sustainable Development Network, Tunisia's Focal Point for the network of African Youths for Development from 2017-2018, and a member of the Tunisian delegation during COP23, COP24, COP25, and COP26. She was also a contributor to the Climate Changes Youth Conference in Bonn, COY13, and Local COY Tunisia.

NDC Mento Nidhal Attia is committed and determined to promote the green ideas of inclusivity, sustainability, and solidarity in Tunisia among civil society actors and decision-makers. Currently, he leads the Environmental Policy Program at the Heinrich Boll Foundation office in Tunis, a position he has held since January 2018. In addition, Nidhal is an expert in climate change and in United Nations Climate Negotiations, which he has closely followed since 2015. Nidhal holds a Bachelor's degree in Natural Sciences and a Master's in Marine Biology, both obtained at the Faculty of Sciences of Tunis El Manar.